Tshekuan ne SIQONI? (C’est quoi SIQONI?)
SIQONI – L’éveil printanier, qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que ça mange en hiver?
Et bien, c’est ce que je me suis posé comme question quand on m’a demandé de faire partie de ce projet au printemps dernier. Après une communication d’Ondinnok qui me demandait si je pouvais agir à titre de mentor, je me suis mis à réfléchir aux choses que je pourrais donner ou partager.
Premièrement, qu’est-ce qu’un·e mentor·e?
Je suis allé voir dans le dictionnaire. Je croyais que la définition serait tellement compliquée et exhaustive que j’appréhendais de voir la réponse. En lisant, j’ai vu que cela était d’une simplicité désarmante. «Personne expérimentée qui contribue, bénévolement ou non, au développement personnel ou professionnel d’un·e débutant·e.»
C’est à ce moment que je me suis rappelé toutes les fois où j’ai eu la chance de bénéficier d’une telle aide et ce, dès ma jeunesse. Que ce soit du côté de mes parents, de mes enseignant·e·s ou même de mes ami·e·s. Il y a aussi celles et ceux qui étaient présent·e·s sur cette petite boîte avec des images qui bougent et qui parlent: la télé.
Je crois que ma première expérience reçue de mentorat est quand je suis parti à la petite chasse avec mon grand-père quand j’avais six ou sept ans. Je me souviens très bien de ce qu’il m’a montré: comment faire un collet pour attraper un lièvre. Mais ce dont je me souviens encore plus, c’est ce qu’il m’a donné comme enseignement, comme cadeau pour apprendre à connaître qui je suis et qui j’allais devenir. «Il faut faire attention à ce qui est autour de nous, parce que c’est ce qui nous permet de vivre.»
Ce dont je me souviens encore plus, c’est ce qu’il m’a donné comme enseignement, comme cadeau pour apprendre à connaître qui je suis et qui j’allais devenir.

Le mentor Marco Collin (gauche) avec son élève Billy Ray Chachai (droite) pendant un atelier de création.
À bien y penser, on a des mentor·e·s qui croisent notre chemin tout au long de notre vie et il arrive souvent que l’on ne s’en rende pas compte sur le moment, mais des années plus tard. Et ceci est vrai dans tous les domaines de notre existence.
Un mentorat qui a libéré ma créativité
Pour moi, dans ce que je fais comme métier aujourd’hui, c’est arrivé au début des années 2000, en 2002 exactement. Après des changements majeurs dans ma vie, un ami mentor m’a amené à un atelier de théâtre à Montréal. C’était avec la compagnie de théâtre Ondinnok. J’ai passé quelques jours en immersion dans ce monde qui m’était totalement inconnu.
Comme premier contact, je dois dire que ça n’a pas été un succès immédiat. Mais quelque chose avait été semé dans ma terre de création. Je suis revenu en 2005 et j’ai commencé ma migration créative à travers le monde réel et les mondes imaginaires.
Yves Sioui Durand et Catherine Joncas ont été des passeur·se·s de rêves et nous ont fait comprendre que nous avions le pouvoir de réaliser ce que l’on désirait, à condition d’y mettre les efforts.
Depuis ce temps, je fais mon chemin à travers une multitude d’opportunités que j’ai eues grâce à celles et ceux qui m’ont juste aidé à me détacher de l’image et de la couleur que l’on nous a inculqué depuis très longtemps. Le chemin est parfois sinueux, rempli d’obstacles et bien souvent, il n’y a pas de signalisation. C’est dans ces occasions que les conseils sont bienvenus car il y a des gens qui ont déjà emprunté ces sentiers.
La jeunesse qui me rappelle pourquoi je voulais faire de l’art
La rencontre avec l’autre est aussi ce qui est de plus beau dans ces moments. Avec le projet SIQONI – L’éveil printanier, j’ai eu la chance de faire connaissance avec un jeune attikamek, Billy Ray, qui après un long parcours, avait le désir de renouer avec ses origines. C’est à travers son écriture qu’il veut reprendre contact avec sa culture. Au fil de nos discussions et du travail de création, il me faisait penser à moi plus jeune. J’écoutais ses questions: «Comment je pourrais faire monsieur Marco?» «Je peux faire cela?» Hahaha.

Le mentor Marco Collin (droite) avec son élève Billy Ray Chachai (gauche) pendant un atelier de création.
Mais la motivation de ce jeune m’a rappelé qu’il faut continuer à garder notre esprit et notre cœur jeunes. C’est un ingrédient fondamental pour faire naître des mondes qui ne sont pas connus par tous·tes. Il est important de permettre aux créateur·trice·s autochtones de se réapproprier leurs rêves, leur territoire intérieur, leur fierté. Tout cela a été longtemps anesthésié.
Il est important de permettre aux créateur·trice·s autochtones de se réapproprier leurs rêves, leur territoire intérieur, leur fierté.
La création n’est pas nouvelle dans nos cultures. Elle est présente depuis des temps immémoriaux avec nos chants, nos danses, nos Atalukan et Tipatshimun (contes et légendes), cérémonies et rassemblements. Il est important de les retrouver pour raconter nos propres histoires avec nos propres codes, avec nos langues qui elles aussi détiennent un savoir immense. On a été très longtemps tenu·e·s à l’écart de ce qui nous a toujours défini·e·s.
Un projet qui permet de donner au suivant
SIQONI – L’éveil printanier est pour moi un des moyens de donner au suivant. Comme le projet est amené, on ne se met pas en vase clos. On ratisse large car la création n’est pas seulement ceci ou cela. Elle est dans tout ce qui nous anime, nous enflamme. Donc si être mentor pour ce projet a juste été de créer une étincelle, alors pour moi ça me va. De dire que oui, on a le droit de penser avec nos rêves, nos mots, nos chants, nos danses… alors là encore, ça me va. Il est évident que toute initiative qui aide à notre émancipation créative ne peut qu’être bénéfique pour nos nouveaux artistes, jeunes et moins jeunes, pour continuer la réappropriation de nos savoirs et acquis.

De gauche à droite: Marie-Pier Chamberland, Dave Jenniss, Billy Ray Chachai, Stéphanie Héroux-Brazeau et Marco Collin, juste après la lecture du texte de Billy Ray, lors de la représentation finale du projet SIQONI – L’éveil printanier.
On peut penser que le mentorat ne peut qu’être unidirectionnel. Moi j’ai la conviction qu’il y a des moments où nous sommes le·la mentor et d’autres fois, nous redevenons celui·celle qui reçoit un coup de pouce. Ceci est propre à nos cultures, où le partage a toujours été une valeur primordiale.
Tout projet qui se veut rassembleur est un pas dans la bonne direction pour poursuivre notre guérison.
Pour terminer, SIQONI – L’éveil printanier est un endroit où il est encore possible de voir l’avenir avec optimisme, surtout en ces temps où l’individualisme et la peur de l’autre sont martelés à qui mieux mieux. Tout projet qui se veut rassembleur est un pas dans la bonne direction pour poursuivre notre guérison. De voir des gens de nos communautés avoir le désir et le courage de se raconter, de parler d’elleux-mêmes à leur manière est inspirant et prouve à quel point il est important de continuer dans cette direction.
Tshinishkumitin!

Marco Collin
Metteur en scène, auteur et comédien, Marco a été l'un des mentors lors du projet 'SIQONI - L'éveil printanier' à l'hiver et au printemps 2024